Pour bien comprendre la démarche artistique de Marc Chenaye à l'origine de ses nus déstructurés, il convient de remonter aux origines de son inspiration artistique : le mouvement cubiste ainsi que le travail du mouvement tel que pratiqué par le peintre Edouard Pignon.
Le Cubisme
Ce célèbre mouvement artistique qui a révolutionné l'art au début du XXème siècle a connu trois phases différentes. La phase du Cubisme cézannien, qui peut être considéré comme une phase pré-cubiste, dont Paul Cézanne est l'initiateur avec une forte présence de formes géométriques dans son oeuvre, suivie par le Cubisme Analytique puis le Cubisme Synthétique.
Le Cubisme analytique
Le Cubisme analytique (1909 -1912) peut donc être considéré comme la véritable naissance du
Cubisme "pur" telle qu'initiée par Pablo Picasso et Georges Braque.
Ces derniers se sont attelés à représenter des objets, des paysages, des visages et des corps... naturellement tridimensionnels... dans l'espace bi-dimensionnel d'une toile de tableau. A cette fin, ils opèrent donc à une déconstruction mentale du sujet, en analysant son aspect sous chaque angle puis en retranscrivant leur vision tridimensionnelle sous formes simplifiées sur la toile au détriment de la couleur, puisque dans les oeuvres de Cubisme analytique, on retrouve principalement des tons sombres et monochromes.
Le Cubisme synthétique
En 1912, le mouvement cubiste entre dans une nouvelle phase qui sera appelée Cubisme synthétique et est encore aujourd'hui considérée comme l'aboutissement du Cubisme.
Le Cubisme synthétique apporte une approche qui se différencie notamment par un apport plus riche de couleurs et de matériaux aux compositions (emploi de couleurs plus variées et plus vives et ajout de différents matériaux tels que du papier collé), ainsi que par une vue plus simplifiée de cette restructuration de la vue multidimensionnelle du sujet : on ne cherche plus à représenter impérativement tous les angles du sujet mais l'essentiel de cette vision : une vision plus synthétique.
Le travail du mouvement
Cette vision de l'espace telle que perçue par le cubisme a une une grande influence sur l'oeuvre de l'artiste multidisciplinaire Edouard Pignon. Ami intime de Pablo Picasso, il a lui-même contribué à l'art cubiste au travers de différentes séries de tableaux.
Installé à Sanary-sur-Mer, il emploie l'été sur la plage, des modèles non professionnelles qui ne tiennent pas la pose très longtemps.. Edouard Pignon dessine donc plusieurs poses qui se sont chevauchées et les synthétise par le même principe que le cubisme synthétique. Il dira d'ailleurs que sa série des nus, développée entre 1973 et 1982, a été « l’exaltation du mouvement dans le repos. »
La démarche du sculpteur Marc Chenaye
Réflexion artistique
Ainsi, pour réaliser sa série de nus, Marc Chenaye est parti de ce même postulat sur la recherche du mouvement. Avant cette série de nus, il avait déjà réalisé une série sur le thème du Tango où il était parti d'une pose « comme photographiée à un instant T"» et où le mouvement de la pose donnait une indication de déplacements avec des exagérations expressionnistes. Pour ses nus, il reprend ce concept pour réaliser un mouvement au coeur d'une pose figée, statique.
Le sculpteur a commencé la création de ses nus en dessinant les visages, les mains et les pieds mais s'est vite aperçu que ces éléments le gênaient et les a donc supprimé. Il a ensuite "zoomé" sur le nu lui permettant de les exclure, puis il a aussi retiré les zones de repos et s'est appuyé sur une structure de dessin très prégnante.
« J’applique encore un système classique de lecture de renvoi et des points d’articulations cher à Edouard Pignon et aussi Emile Sabouraud. J’aime que la lecture d’une toile par ce principe « tourne », principe que beaucoup de peintres actuels se détournent."» explique Marc Chenaye.
Pour cette série de nus, il a ainsi tenu a conservé la même exubérance expressionniste que sa série des tangos en modifiant la poitrine des sujets pour leur donner une forme géométrique qui s’accorde au dessin. Les visages, eux, sont départis de leur nez et ont quelque fois un œil unique pour les raisons évoquées plus haut.
Nus fragmentés et Nus en ogive
Cette série de sculpture se divisent en deux catégories avec les « nus fragmentés » et les « nus en ogive ». Pour expliquer ces deux visions artistiques du nu, Marc Chenaye a indiqué lors d'une interview que pour lui ces modelages sont devenus « un jeu de lignes et de courbes concordant au jeu de l'architecture de la pièce proposant ainsi ses propres résonances. [Avec les nus fragmentés] la courbe est plus présente, elle n’a plus le même rôle n’étant plus un des contre-points aux convergences cruciales des droites qui définissaient alors l’articulation anguleuse des toiles. J’ai mis aussi l’accent sur la fragmentation du corps et son échelle, maintenant c’est plus un assemblage qui se profile dans la thématique. D’un autre côté les nus en ogive sont apparus, revenant à une architecture plus ramassée et contenue diamétralement opposée à l’idée précédente.»
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